En plein cœur du Midwest américain se trouve Cleveland. Tout comme c’est le cas pour ses consœurs Détroit et Milwaukee, une énergie pure et brute s’en dégage. Son passé en tant que ville majoritairement industrielle et ouvrière se traduit aujourd’hui en ville vibrante de culture américaine. Des « muscle cars » à nos mythiques Harley Davidson, cette ville vibre de tout ce qui fait du bruit et donne un sentiment de liberté. Cleveland serait même la ville des origines du rock’n’roll au début des années cinquante. Fuel Cleveland est la preuve vivante de cette communauté dynamique.
Fidèle à tout bon show, le préparty du vendredi soir est de mise. Mon petit aller-retour rapide Montréal-Cleveland-Montréal pour la fin de semaine s’annonce intense et épuisante, mais ça en vaut toujours la peine ! Je mets les pieds en sol américain juste à temps pour laisser mes bagages dans ma chambre d’hôtel, attraper mon appareil photo et me diriger vers la microbrasserie Saucy Brew Works pour le préparty. À mon arrivée, l’endroit bourdonne déjà de motos et de gens festifs. Dans les rues entourant la brasserie, on ne peut que remarquer une belle quantité de motos cordées bien serrées, dont certaines auraient pu faire partie de l’exposition du lendemain. À l’intérieur, la microbrasserie à l’ambiance de rock pesant (hard rock!) offre la sélection de bières maison la plus impressionnante qu’il m’ait été donné de voir à un même endroit. Des gars et des filles de moto venus de partout sur le continent sont déjà fébriles et déjà excités pour le lendemain. Je profite de la bonne bière et j’essaie en vain de ne pas me coucher trop tard pour être frais et dispo pour le lendemain. Difficile de penser à se coucher tôt quand on est dans une nouvelle ville pour seulement deux jours.
Avance rapide jusqu’au lendemain matin. Mon alarme me réveille à 9 h. Avec un café tiède et un beigne sec d’hôtel dans le ventre (je n’ai jamais compris les Américains et leurs beignes trop sucrés pour déjeuner, mais « tsé », quand tu n’as pas le choix…), je m’empresse de me diriger vers l’endroit du show. Je voulais arriver avant la foule pour pouvoir prendre quelques photos. Cette salle, le Madison, est située à quelques secondes du centre-ville de Cleveland, mais aussi au milieu d’une mer de vielles battisses industrielles en brique défraichies et entourées de clôtures rouillées. Ça s’annonce déjà bien. Dehors, dans le stationnement, fourmillent tous les vendeurs qui s’affairent à achever leurs préparatifs quelques minutes avant l’ouverture des portes. À l’intérieur, les dernières motos sont placées dans cette magnifique pièce aux murs blancs, qui s’apparente à une galerie d’art. Et de l’art, il y en a. Les murs sont couverts des œuvres de 15 photographes et huit artistes. Au milieu de tout ça se trouvent 90 motos, qui ont été méticuleusement sélectionnées. Ce sont principalement des motos américaines, mais aussi quelques motos européennes et une mince sélection de modèles japonais. Le chopper style vintage y est à l’honneur, bien sûr, mais on peut aussi admirer quelques vieilles originales, des motos d’accélération, quelques « vintage racers » et même des pièces de collection ultra rares. Content de mon idée d’arriver plus tôt pour prendre quelques clichés, je profite de la vingtaine de minutes avant que la foule ne commence à entrer. J’utilise le mot foule parce c’est littéralement le case. De l’ouverture jusqu’à la fin de la journée, la salle est carrément bondée de gens bien entassés entre chacune des motos. Impossible de prendre de bonnes photos avec mon appareil 35 mm et ma lentille fixe, à un tel point que je dois attendre la fin de l’évènement avant de pouvoir reprendre ma prise de photos! J’ai su par la suite que l’évènement avait accueilli entre 7000 et 8000 personnes durant la journée !
L’action se passe aussi à l’extérieur autour des 50 kiosques de vendeurs et des camions de bouffe de rue. Il y en a pour tout le monde. De nos marques favorites aux kiosques des ateliers de nos « builders » préférés, il y a de quoi y passer une bonne partie de la journée. Ça grouille aussi dans la rue et les stationnements. Partout, il y a des motos, des milliers de mots. Je mets plus d’une heure à faire le tour afin de trouver les perles rares, et croyez-moi, il y en a en quantité impressionnante. La rue devant le Madison devient un terrain de jeu pour les plus casse-cou. « Wheelies, burns et skids », le spectacle improvisé est excitant et ça sent bon dans l’air ! Même les policiers postés sur le coin de la rue ne croient pas bon d’arrêter le spectacle illégal et ont même l’air de l’apprécier. Le party est « pogné » comme on dit ! Par chance, nous ne sommes pas au Québec (soupir et roulement des yeux…haha).
De retour à l’intérieur, la journée tire à sa fin. Le public sort tranquillement alors que je termine mes rouleaux de film. J’en profite pour rencontrer quelques « builders » qui rejoignent leur moto pour tranquillement plier bagage. Je croise JP Rodman qui me raconte l’histoire derrière son fameux Trike au moteur Volkswagen, qu’il a construit pour le Born Free et qui est maintenant exposé à Cleveland. Je rencontre aussi le sympathique et talentueux photographe Ken Carvajal qui était à côté de son chopper sur base de Panhead qu’il venait juste de terminer y quelques semaines auparavant. Je tombe en amour avec sa moto et surtout avec sa générosité, ce qui se termine en une séance de photos improvisée de son panhead, dans un coin de la ruelle arrière, au coucher du soleil. Parfait pour un futur article dans votre magazine préféré !
Le Fuel Cleveland a trouvé la recette pour un évènement gagnant et ça se reflète par la quantité incroyable de gens présents. La scène moto brute et rock de Cleveland est empreinte dans mes souvenirs et je souhaite même qu’un jour, le Québec goûte à quelque chose d’aussi intense et engagé. Les fervents étaient servis au Fuel Cleveland, moi le premier, mais au-delà des motos toutes aussi belles les unes que les autres, ce sont les nouvelles rencontres avec plein de gens qui restent gravées dans ma mémoire. Fuel Cleveland, chapeau !!